LES AVENTURES DE MOKTAR
Année : 1991
Studio : Movie Software
Éditeur : Titus Interactive
Genre : Moktar, c’est un drôle de Mecque…
Pour retrouver sa belle Zoubida, Moktar ne va pas utiliser son scooter doré. Non, cette fois-ci il va partir à pied et se lancer dans un périple qui passera par Barbès, le métro parisien, les sombres catacombes… pour aboutir de l’autre côté de la Méditerranée, à Marrakech.
Dans les années 90, le comique (?) Vincent Lagaf’ qui officiait surtout dans les one-man-show s’est aussi essayé à l’art musical – sans se prendre au sérieux, je vous rassure. Certains d’entre vous se souviennent peut-être de « Bo le lavabo » et de « La Zoubida ». Il s’agissait avant tout de se moquer du Top 50 et de certains tubes qui pouvaient rapporter gros sans que leurs producteurs/compositeurs ne fournissent le moindre effort. Dans « Bo le lavabo », il n’y a quasiment aucun texte (il est bo mon lavabo, il est laid mon bidet) et la mélodie est un sample de Lil Louis qui tourne en boucle… Néanmoins la « chanson » restera 28 semaines dans le Top 50. Lagaf’ aurait-il vu juste ?
Idem avec « La Zoubida » qui termina même disque de platine. C’est l’hallucination collective ! Dans cette chanson, Lagaf’ incarne un jeune d’origine arabe qui, sur son scooter volé, cherche à emmener sa copine Zoubida à un bal de Barbès… Oui à l’époque, on pouvait presque tout se permettre sous le fard de l’humour – les Inconnus, eux aussi, sont parfois allés assez loin, mais avec beaucoup plus de talent que Lagaf’. Avec le recul, peut-on dire aujourd’hui qu’il s’agissait de racisme ordinaire, de « beaufitude », de simple maladresse ou de petit clin d’œil amusé et stéréotypé ? Je préfère éviter les polémiques et vous laisse donc seul juge. Intéressons-nous plutôt au jeu vidéo tiré de la chanson – car oui, aussi incroyable que cela puisse paraitre, il y a bien eu un jeu vidéo adaptant « La Zoubida », qui plus est réalisé par une boîte sérieuse et relativement douée : Titus Interactive ! Parmi les bons titres de cette société française désormais disparue, on se souvient notamment de TITAN, CRAZY CARS, FIRE AND FORGET ou encore THE BLUES BROTHERS.
Curieusement, personne ne cite LES AVENTURES DE MOKTAR, quand il s’agit d’évoquer la carrière de Titus. La faute à « La Zoubida », désormais devenue persona non grata ? La faute peut-être aussi à TITUS THE FOX, la version anglophone des AVENTURES DE MOKTAR qui sortit notamment sur consoles (Game Boy) avec la mascotte de Titus en lieu et place du petit Moktar – un renard qui se rend à Marrakech pour retrouver sa copine, ça n’a plus beaucoup de sens, mais passons… Si LES AVENTURES DE MOKTAR n’est pas rentré dans les annales, il faut malgré tout reconnaitre que le jeu n’est pas foncièrement mauvais – surtout si on tient compte du matériau de base (une chanson d’une nullité abyssale, je vous le rappelle). Le petit Moktar part donc de loin, de très loin. Mais avec l’aide des développeurs de Titus, le jeune au turban parait s’en sortir avec les honneurs.
Tout d’abord le jeu est doté de musiques sympathiques (cadeau bonus : la voix de Lagaf’ quand on se saisit d’un bonus) et se révèle graphiquement assez réussi – en particulier les différents personnages, rigolos et très expressifs. Les décors quant à eux sont corrects (sympa l’ombre de la femme dénudée qui se dessine au travers d’une vitre !) mais le level design est relativement paresseux. Dommage. Ensuite, notre personnage semble tout d’abord bien répondre aux commandes. Il peut sauter (et il saute haut), ramper, glisser, et il peut aussi se saisir de différents objets et les utiliser comme projectiles (pour tuer des méchants) ou comme plates-formes pour atteindre des lieux inaccessibles.
Si le jeu est donc plaisant durant les premières minutes (pour un platformer micro), ces bonnes impressions fondent rapidement comme mouskoutchou au soleil. Comme souvent à cette époque-là, la difficulté est ici mal dosée et surtout, surtout les sauts du petit Moktar sont mal fichus. Déjà on ne peut pas en régler la hauteur ni l’amplitude, mais ils sont aussi bien trop vifs – contrôle-t-on un jeune homme transi d’amour pour sa Shéhérazade ou une grenouille sous ecstasy ? J’avoue m’être posé la question plus d’une fois… Pire : à chaque fois que l’on se fait toucher, Moktar vole littéralement au travers de l’écran pour atterrir on ne sait où – j’ai rarement vu quelque chose d’aussi énervant dans un jeu vidéo (la pire idée de l’année 1991 après l’opération Tempête du désert ?). Résultat : dans un jeu qui demande bien trop de précision après deux-trois premiers niveaux plutôt faciles, les sauts hyper dynamiques et les vols planés de Moktar finissent hélas par se retourner contre le joueur qui n’en demandait certainement pas tant pour abandonner un jeu qui plus est assez redondant.
Au final et sans se voiler la face (oooouh polémique !), on peut donc dire de MOKTAR qu’il s’agit d’un jeu beau comme un lavabo, mais au gameplay qui relève du bidet.
Cadeau bonus : extrait de la critique d'époque de Génération 4 (reprise à la virgule près par mes soins)
- Spoiler:
- Génération 4 39 décembre 1991 > 95%
« Avec un scrolling en 50 images/seconde sur Amiga, Lagaf, constitue le meilleur jeu de plate-forme sur micro à ce jour, et ce, sur pratiquement tous les plans. Eclate garantie ! Si les jeux d’action et d’arcade restent l’apanage des consoles, les micros peuvent de temps en temps empiéter sur leurs plates-bandes. Lagaf’ en est le parfait exemple et se situe d’emblée, sur micros, la comparaison n’est pas usurpée, au niveau du célébrissime Mario Bros. Rien que cela ! »
Vidéo :
Dernière édition par Oli le Sam 14 Mai - 12:32, édité 1 fois