Développeur : Konami
Date de sortie : 1991 (exclu Japon)
Date de sortie : 1991 (exclu Japon)
La vie trépidante d'un flibustier de la ludothèque Game boy est malheureusement le plus souvent ponctuée de cruelles déconvenues, de rencontres hasardeuses laissant un arrière-goût de caca au fond de la bouche, mais aussi d'agréables surprises lorsqu'il découvre de petites perles enfouies sous ces monceaux d'immondices. Cave Noire, en français dans le texte c'est tellement plus classe, fait partie de ces jeux condamnés à rester dans l'ombre de par leur archaïsme et leur distribution plus que confidentielle, mais dont la découverte réchauffe le cœur du pauvre damné dans sa quête sans doute vaine du saint-graal monochrome. En effet quoi de moins attrayant au premier abord que ce petit dungeon crawler simpliste aux graphismes que l'on qualifiera pudiquement d'épurés, à l'originalité pour le moins douteuse au sein d'un genre éculé, et de surcroît tombé en désuétude depuis son âge d'or dans les eighties ?
Ne me demandez pas en quoi consiste les deux choix du menu principal, et contentez vous d'appuyer sur "A"
Et pourtant c'est sur ces fondations vermoulues qu'une poignée de développeurs de chez Konami ont construit un petit jeu accessible, équilibré et dont l'éloignement désormais conséquent dans un passé lointain, loin d'entamer ses qualités, lui confère en plus un charme fou. Ce n'est pas sans appréhension qu'on lancera sa première partie, sachant que Cave Noire fait partie de ces jeux dont les donjons sont générés aléatoirement, ce qui n'est pas franchement le gage d'un level design de qualité. Pour résumer très sommairement le principe du jeu, celui-ci nous jette dans un donjon avec un objectif assez basique, qu'il s'agira de remplir en s'y enfonçant de plus en plus profondément, chaque étage étant généré aléatoirement. Le donjon en question est évidemment truffé de monstres plus ou moins imposants et difficiles à tuer, et les déplacements comme les actions se font au tour par tour. Pas de travail en équipe ici, on incarne un héros solitaire armé d'une épée, d'un bouclier et de huit emplacements d'inventaire pour stocker divers sorts et objets. Il y a en fait 4 donjons, qui outre une apparence légèrement différente correspondent en fait aux 4 objectifs possibles : amasser une certaine quantité d'or (classique), éliminer un certain nombre de monstres (archi-classique), trouver des trésors (on a fait plus original) et sauver des fées retenues prisonnières (là ça va).
La carte de sélection des niveaux, personne ne devrait avoir trop de mal à associer à chaque donjon l'objectif correspondant...
Une fois son donjon sélectionné, notre bretteur reçoit d'un arbre bizarre 4 objets au hasard, et se retrouve au premier étage, ou plutôt sous-sol, du donjon. Le jeu se déroule au tour par tour, tant que vous ne bougez pas et ne faites pas d'action les ennemis restent donc gentiment à leur place. Le premier contact peut ainsi être assez rebutant, l'animation étant pour ainsi dire inexistante : un pas à droite, et votre héros se téléporte sur la case adjacente. Il faut passer outre pour découvrir les avantages de ce système, en fait très souple, puisqu'il vous autorise à prendre votre temps pour calculer vos déplacements ou au contraire à traverser à toute vitesse une salle vide. Les ennemis ont tous une pattern de déplacement spécifique qu'il vous faudra parfaitement maîtriser pour espérer survivre. La plupart se contentent de se déplacer sans dévier pour vous attaquer, mais certains se jettent sur vous voire essaye de vous acculer avant de vous attaquer. Si vous vous trouvez sur la case de leur prochain déplacement, ou restez plus d'un tour sur une case adjacente il vous attaqueront. Les combats sont très simples : vous ne pouvez qu'attaquer ou fuir. Il faudra d'ailleurs le plus souvent privilégier la seconde option, tant les combats sont généralement à votre désavantage : les bonus de vie étant peu nombreux, même les ennemis les plus insignifiants peuvent vous avoir à l'usure.
Là mon bonhomme est tout content de son nouveau bouclier : les animations sont vraiment marrantes
Malgré la génération aléatoire, la construction des donjons est souvent très intéressante, et vous ne pouvez vraiment pas savoir à quoi vous attendre en entrant dans une salle. Il est parfaitement possible de tomber sur un dragon ou un chevalier très puissant en entrant dans un donjon, ou au contraire de faire 3 étages très simples et se retrouver ensuite dans un véritable traquenard par excès de confiance. La pression est donc constante, surtout dans les niveaux les plus élevés, et la gestion des risques est absolument fondamentale : savoir quand se battre ou fuir, si il faut utiliser un de ses précieux sorts de feu ou le conserver, quels items conserver quand l'inventaire est plein, voilà ce qui fait généralement la différence entre une mort brutale et une sortie victorieuse.
L'arbre qui vous équipe avant un donjon
Cave Noire présente également une caractéristique très intéressante pour un jeu de ce genre, et qui renforce ce côté stratégique : il n'a aucun système d'expérience. Vous débutez avec 10 points de vie, 4 d'attaque, de défense et de chance... et il faudra bien finir tous les niveaux avec. Il y a bien des améliorations disponibles, mais celle-ci n'ont qu'un impact très limité sur vos capacités. Vous pouvez découvrir une nouvelle épée ou un nouveau bouclier, augmentant votre attaque ou votre défense d'un point ou deux, mais ces upgrades prennent une place dans l'inventaire et vous ne les conservez pas une fois le niveau fini. Il y a aussi des potions qui augmentent votre total d'hp de façon définitive, mais seulement d'un point à la fois, et elles sont fort rares. Enfin des espèces d'amulettes augmentent également votre chance d'un point, mais elles sont aussi rarissimes. De toutes façons les ennemis les plus puissants vous tueront généralement en un seul coup, et il faudra compter sur des sorts pour en venir à bout. Cave Noire est donc un rpg sans leveling, ce qui est assez original pour être noté, et vous ne vous taperez donc jamais des combats à la chaîne contre des araignées ou des scolopendres pour augmenter vos stats.
une fois votre objectif atteint, vous devez trouver une sortie pour vous envoler en-dehors du donjon
Certains étages sont plongés dans l'obscurité, pour justifier le titre sans doute, la musique se fait alors plus oppressante et il faut avancer avec énormément de prudence le temps d'identifier ces yeux maléfiques qui vous observent dans l'obscurité. Ces salles demandent beaucoup de sang-froid pour éviter de tomber dans un trou ou de se retrouver coincé entre un mur et un monstre. A moins que vous ne puissiez localiser un ennemi en forme de flamme qui se trouve généralement dans ces salles, et dont la mort dissipe l'obscurité. Par contre évitez les zombis, ils sont très faibles mais si vous les tuez vous vous retrouverez instantanément dans une obscurité totale. Cave Noire présente donc une diversité de situations phénoménale malgré le faible nombre d'ennemis ou d'objets, et vous aurez rarement l'impression de faire deux fois la même partie. A force de jouer vous prendrez sans vous en rendre compte certains réflexes et évaluerez de mieux en mieux les risques. Les différents objectifs introduisent des variantes supplémentaires dans la façon de jouer : trouver les trésors mettra l'accent sur la gestion de l'inventaire (dans les niveaux élevés il faut en trouver 6, ce qui ne laisse que 3 places pour d'autres items quand vous approchez du but), quand il s'agit de tuer des monstres vous n'avez plus le choix il faut vous battre, les fées détruisent tous les ennemis d'une pièce quand vous les libérez, ce qu'il faudra apprendre à utiliser à votre avantage etc.
Si vous êtes dans une pièce sans issue, ne paniquez pas : il y a forcément un passage secret à débloquer en fonçant dans le mur. Remarquez la tête de votre héros qui vient de se manger le dit mur en pleine poire.
J'ai déjà parlé des graphismes, reste la musique : celle-ci est très réussie. Il y a une composition par donjons, elles sont toutes pêchues et de bonne qualité pour une pauvre Game boy. Descendre un étage, entendre la musique se faire plus lugubre et débarquer dans une pièce totalement invisible bourrée d'yeux qui vous regardent fait toujours son petit effet. La musique se fait au contraire plus enlevée lorsque votre objectif est rempli et qu'il faut trouver la sortie : pression garantie quand il ne vous reste plus qu'un point de vie et que vous courrez de pièce en pièce en priant pour ne pas tomber sur un chevalier ! Autrement les effets sonores sont très discrets, quelques jingles amusants quand on trouve un objet, des "slash" lors des attaques et c'est à peu près tout.
La fameuse cave noire du titre...
Là je viens de me faire démonter en un seul coup...
Cave Noire est donc une réelle surprise, un jeu à peu près inconnu mais très intelligemment conçu. Les développeurs ont su adapter le gameplay pesant des dungeon crawlers aux contraintes de la Game boy, éliminant le maximum d'éléments superflus pour rendre les parties courtes mais aussi très intenses, et la génération aléatoire des niveaux, très réussie, renouvelle en permanence le challenge. L'absence de système d'expérience peut sembler une hérésie, mais c'est finalement ce qui fait le sel du jeu quand on arrive vers les niveaux 6 ou 7. Dernière chose concernant le japonais : ce n'est absolument pas un problème, il faut juste une ou deux parties pour bien comprendre le fonctionnement et après tout roule.
9/10, et d'habitude je note dur !