Silent Hill: Downpour
Testé sur Playstation 3
Existe également sur Xbox 360
Développeur : Vatra
Editeur : Konami
Année : 2012
Parfois, au détour d’une multitude de titres acclamés, récompensés et adulés présentés sur des comptoirs impersonnels faits de blanc immaculé, se trouvent, cachées dans l’ombre, de petites boîtes qui n’attirent guère l’attention du con’sommateur. Peu exposées aux yeux d’un grand public trop nourri aux campagnes marketing faites de trailer explosif à la bande son Zimmer-ienne, lesdites boîtes renferment parfois, à la surprise générale, des pépites peu connues et reconnues. Malheureusement, ces œuvres souffrent souvent d’une critique qui passe totalement à travers de son sujet pour mieux finir dans l’indifférence générale.
Si je devais résumer le jeu vidéo d’un point de vue purement personnel, je dirai que c’est avant tout une expérience avec un grand E. Mais quelle signification peut bien renfermer ce terme à la fois si vague mais pourtant tellement précis ? Une expérience est avant tout un ressenti, propre à chacun, qui nous insuffle des émotions, de toutes sortes, et qui, dans de rares cas, peuvent nous amener là où on ne penserait jamais aller afin de mieux nous transcender. Le titre dont je vais vous parler aujourd’hui n’est en aucun cas parfait d’un point de vue purement vidéo ludique. Il souffre de quelques défauts qui pourront rebuter le plus grand nombre. Malgré tout, une poignée d’irréductibles pourra y trouver son compte et, qu’on se le tienne pour dit, ne ressortira pas indemne de cette expérience (toujours avec un grand E) au cœur de la folie et de la rédemption. Aujourd’hui, je vais vous conter l’histoire de Silent Hill : Downpour.
Prisonnier depuis de longues années pour des raisons que je n’évoquerai pas ici, Murphy Pendleton se voit transférer vers un autre centre pénitencier de haute sécurité. Confortablement installé (façon de parler) aux côtés d’autres détenus, notre héros profite d’une dernière ballade en bus sécurisé avant un bon bout de temps. Malheureusement pour lui, le destin en décide autrement et, au détour d’un virage et d’une apparition brève mais terrifiante, le bus se retrouve projeté dans un ravin. Livré à lui-même, notre avatar va vivre une longue et épuisante descente aux enfers dans les entrailles de la désormais célèbre ville de Silent Hill. Et je peux vous l’assurer, il vous faudra une bonne dose de courage et un cœur bien accroché pour sortir de ce cauchemar.
Désormais noyé dans un flot de titres prétendument horrifiques faits de face jumper et autres marées d’hémoglobine, le genre survival a clairement perdu de son aura ces dernières années. Cependant, ces dérives peu ragoûtantes bonnes à faire sursauter les ados en manque de sensations fortes sont ici balayés d’un vif revers de la main. Dès les premières secondes, l’ambiance de ce Silent Hill nous prend aux tripes. Ici, on ne s’embarrasse pas d’effets vus et revus dans les productions récentes. Ne vous attendez donc pas à vous faire sauter dessus toutes les 30 secondes par des créatures voulant votre mort. Non, dans Silent Hill, ce qui prime, c’est l’angoisse, la vraie, la seule, l’unique. Les environnements inquiètent, les fonds sonores, tantôt très discrets, tantôt faits de grésillements sortant de la radio que vous portez au ceinturon vous informant de l’approche d’un ennemi, vous vrillent les oreilles pour peu qu’on y prête un peu d’attention. Et puis ce silence, qui s’impose parfois comme une évidence, prend une place à part entière dans un titre qui sait mêler habilement un enrobage tout à fait particulier à une bande sonore d’une qualité rare. Préparez-vous à essuyer régulièrement la moiteur de vos mains, parce que cet épisode Downpour va vous en faire voir des vertes et des pas mûres.
L’angoisse, que j’ai déjà évoquée au-dessus, prend ici tout son sens. On se sent à l’étroit, faible et démuni dans cet univers morbide. Murphy est un homme tout ce qu’il y a de plus normal, possédant ses forces et ses faiblesses. Il n’a rien d’un super héros à la puissance physique hors norme. Non, c’est un être humain comme vous et moi. Pas forcément habile de ses mains, pas résistant pour un sou, Murphy est le concept même de l’anti héros. Les déchirures qui ont marqué son passé et son incompréhension du monde qui l’entoure renforcent ce sentiment de normalité. Toutes ces pièces de puzzle, imbriquées les unes aux autres, font de ce titre un vrai jeu d’épouvante, mais également une œuvre touchante d’une grande humanité.
Vous voilà donc en train d’avancer lentement, une pauvre brique dans la main et un inventaire aussi vide que les poches d’un chineur de brocante après une grosse prise. Le héros est lourd, un poil rigide et ne court pas bien vite. Viendra alors votre premier combat, un face à face qui vous donnera des sueurs froides. Vous constaterez que le système de combat, basé sur des contres et des attaques bien placées, n’a, en effet, pas grand-chose d’intuitif et souffre de la lourdeur de son héros, qui tapera souvent dans le vide. Malgré tout, l’usure des armes et le fait qu’elles peuvent lâcher à n’importe quel moment apporte une bonne dose de piment à des combats certes mal branlés, mais terriblement intenses et stressants. Car, quand on y repense à tête reposée, le gameplay, bien qu’un peu obsolète, se révèle être tout à fait adapté à ce genre de jeu. Les combats sont difficiles et le sentiment de non-puissance et de non-maîtrise est ici retranscrit de manière assez admirable. C’est un vrai survival, préparez-vous à être mis en difficulté. Il faudra évidemment privilégier la fuite car, si les face à face peuvent tourner rapidement à votre avantage, l’affaire est d’un tout autre ressort quand les ennemis commencent à vous attaquer en groupe. Les armes à feu étant rares et les munitions limitées, vous n’aurez alors que peu de chances de remporter la victoire avec une arme de poing. Les nombreuses énigmes sont, quant à elle, loin d’être évidentes et l’interface minimaliste (pas de barre de vie, peu d’indications sur les objectifs) vous demandera de fouiner un peu partout si vous désirez sortir de cette ville maudite. Un gameplay très bien pensé, difficile et exigeant, mêlant exploration et scènes d’action, qui refroidira rapidement les kéké gamer avides de puissance, de souplesse et de facilité. Dans Silent Hill : Downpour, rien ne vous tombe tout cuit dans le bec, il faudra trimer et trembler pour vous en sortir.
Là où le titre traîne la patte, c’est du côté technique. Graphiquement parlant, Silent Hill : Downpour est honnête, affichant un rendu plutôt sympathique mais pas transcendant. Ce qui dérange un peu plus, ce sont les nombreuses saccades, une fluidité pas vraiment au rendez-vous, des temps de chargement longuets et des sauvegardes pas souvent très bien placées. Heureusement, le jeu se rattrape très rapidement sur sa direction artistique hors pair et sur certaines idées visuelles d’une beauté étourdissante (je vous laisse la surprise de la découverte). Quant au design de vos ennemis, et bien que de nombreuses personnes y aient trouvé quelque chose à redire, je le trouve particulièrement réussi. A la fois simple mais tellement inquiétant, il renforce l’angoisse générale qui se dégage du titre. Il m’est arrivé de trembler plus d’une fois à l’entente du grésillement de mon talkie-walkie, synonyme de l’approche imminente d’un monstre.
Reste la question de la durée de vie. Bien que l’histoire principale se boucle dans des délais tout à fait honnêtes pour un titre de ce genre (environ 8 heures), les nombreuses quêtes annexes et autres secrets à découvrir vous tiendront en haleine bien plus longtemps. Bien évidemment, ces petits à côtés ont, contrairement à d’autres jeux, un grand intérêt puisqu’ils vous permettent d’en apprendre plus sur la ville de Silent Hill et de ses habitants, mais également de trouver des objets qui pourront vous être d’une grande aide dans votre quête. Pour couronner le tout, ces missions secondaires sont souvent très inspirées et apportent ce petit quelque chose en plus qui bâtit un grand jeu. Enfin, les 6 fins disponibles vous promettent au moins une deuxième session de jeu. Mais aurez-vous le courage d’y revenir ? Rien n’est moins sûr…
Silent Hill : Downpour est une œuvre à part. Totalement incompris par les critique et boudé par le grand public, le titre se révèle être malgré tout d’une grande profondeur scénaristique et d’une sincérité rare. Long, difficile, exigeant et doté d’une ambiance absolument exceptionnelle qui vous glacera le sang, il faudra une certaine dose de persévérance et de courage pour en venir à bout. La satisfaction qui s’en dégagera ne sera que plus grande, d’autant plus que le dénouement de l’intrigue justifie à lui tout seul le fait de venir à bout de cette longue descente en enfer. Pour peu que vous vous laissiez prendre au jeu et que vous réussissiez à passer outre une technique pas vraiment au rendez-vous, vous tiendrez entre vos mains un titre d’une qualité exceptionnelle d’un genre devenu trop rare. Un vrai coup de cœur, et l’un des tout meilleur jeu sur cette génération de consoles !
GRAPHISMES : 4/5
Malgré une technique pas forcement maîtrisée, la direction artistique rattrape très largement le coup. Une ambiance à la fois malsaine et angoissante qui vous fera frissonner de plaisir.
BANDE SON: 5/5
L'une des plus belle réussite de ce titre. Une bande son maîtrisée de bout en bout qui installe une atmosphère terriblement inquiétante.
GAMEPLAY : 4,5/5
Malgré une certaine lourdeur dans les déplacement et les combats, je me dis, avec le recul, que ce système est au final totalement adapté au genre survival horror.
DUREE DE VIE: 5/5
Long, difficile et loin d'être linéaire, le jeu vous emmènera dans des recoins insoupçonnés. Les quêtes secondaires sont, bien évidemment, à faire, puisqu'elles apportent un intérêt indéniable au titre tout en étant particulièrement inspirées.
NOTE DU TESTEUR : 18,5/20