Plateforme : Xbox 360
Date de sortie : 26/11/2010
Développeur : Bottle Rocket
Distributeur : Namco
Si vous avez moins de trente ans, il y a bien peu de chance que le nom de Splatterhouse vous parle. Une certitude toutefois, vous avez assurément entendu parler de la version que nous testons ici et, pour peu que vous suiviez avec assiduité l’actualité vidéoludique, vous avez même déjà vu différents trailers de cette mouture new-gen. Ce qui, n’en doutons pas, aura certainement eu pour effet de vous faire hausser un sourcil et afficher un air dubitatif à la vue de ce qui semble être un banal jeu d’action à la violence gratuite où l’hémoglobine coule à flot, le tout baignant dans une profonde ambiance horrifique. Un avis, ma foi, tout ce qu’il y a de plus légitime. De prime abord, en tout cas… Si, par contre, vous êtes né avant 1980 et que vous avez eu la chance de vivre la formidable ascension de ce médium révolutionnaire qu’est le jeu vidéo, vous ne pouvez demeurer insensible à la simple évocation de ce titre. Car Splatterhouse est et restera pour toute une génération de joueurs un des jeux vidéo les plus emblématiques de la fin des années 80 et du début des années 90. Rien que ça.
Rick et Jason sont sur un bateau…
Comme vous le voyez, l’héritage est lourd. Il est donc normal d’avoir certaines appréhensions au moment d’insérer la galette dans la console. Après tout, on ne compte plus les gloires d’antan maladroitement remises au goût du jour par des éditeurs peu scrupuleux pour surfer sur la vague du revival. Golden Axe en est un parfait exemple, pour ne citer que lui. Les craintes concernant ce Splatterhouse sont d’autant plus légitimes que les premiers médias ayant filtrés sur la version 2010 de ce grand classique n’avaient rien de rassurant, loin s’en faut. Mais il faut croire que les échos alarmistes d’un noyau de fans auront eu le mérite de bousculer Namco Bandai dans ses certitudes. Le projet a donc été entièrement rebooté pour correspondre au mieux aux attentes des joueurs de la première heure. Et ce, malgré un état d’avancement déjà bien prononcé. Une démarche suffisamment rare pour être soulignée et, surtout, saluée. Le pari est-il pour autant réussi ? L’essai est-il transformé ? C’est ce que nous allons découvrir tout de suite…
Même si, vu le genre abordé, on ne s’attend pas à effleurer la profondeur narrative d’un Alan Wake, le scénario de ce nouveau Splatterhouse aura comme un arrière goût de déjà-vu pour les joueurs ayant passé de longues heures sur les précédents opus. Et la raison à cela est toute simple : il s’agit d’une version revisitée du premier épisode datant de 1988. Un bon gros remake, quoi ! Après tout, pourquoi pas? C’est un moyen comme un autre de faire découvrir la série aux plus jeunes. On y incarne donc Rick, un jeune universitaire qui, accompagné de sa bien-aimée Jennifer, se rend dans le lugubre manoir du Dr. West, un professeur en nécrobiologie aux méthodes plus que douteuses. A peine arrivé dans la demeure du vieux fou, le jeune couple se fait sauvagement attaquer par des créatures venues tout droit des enfers et la belle Jen est enlevée. Pour ce qui est de Rick, en revanche, le traitement est tout autre. Notre héros maigrichon et binoclard à l’allure de geek est tout bonnement laissé pour mort, littéralement éventré et baignant dans ses trippes étalées sur le carrelage du hall d’entrée. Concrètement, on débute le jeu aux portes du grand voyage. Je vous l’accorde, on a connu meilleure entrée en matière. Seulement voilà, alors que Rick s’apprête à passer de vie à trépas, un étrange masque se retrouve sur le sol face à lui. Délire d’un homme agonisant ou terrifiante réalité, le masque se met à lui parler et lui promet l’impossible. Si Rick le revêt, il lui donnera en échange force et pouvoir pour pulvériser tout ce qui se mettra en travers de sa route et retrouver sa tendre et douce Jennifer. Le prix à payer pour un tel service rendu sera certainement élevé mais Rick n’en a cure. Rassemblant ses dernières forces, il rampe jusqu’au masque, se vidant un peu plus à chaque centimètre. Du bout des doigts, alors qu’il est au bord de l’inconscience, il parvient à saisir l’artefact maudit et le pose sur son visage dans un ultime effort. Instantanément, une indescriptible douleur parcourt son corps et lui arrache un cri inhumain. Ses boyaux reviennent à leur place initiale, son sang regagne les veines où il coulait il y a peu, ses plaies se referment et cicatrisent à vue d’œil… et, chose encore plus surprenante, son corps se métamorphose, transformant le frêle jeune homme en une véritable machine de guerre faite de muscles saillants. Le changement est pour le moins radical, c’est sûr. De nouveau sur pied et fort d’une puissance que lui confère le port du Masque de Terreur, Rick peut enfin se lancer à la poursuite du Dr. West et lui arracher la femme qu’il aime.
Le classicisme au service du mythe
Si Splatterhouse est devenu un beat them all culte par le passé, c’est avant tout pour son ambiance horrifique empreinte d’influences diverses couplée à un gameplay sans concession où la pitié n’a pas droit de cité. Et force est de constater que, sur ce plan, la formule n’a guère changé. Pour être dans le vrai, disons plutôt qu’elle a évolué sans jamais renier ce qui faisait sa force. Vingt-deux années séparent les deux titres, je le rappelle. Alors que le jeu original ne disposait que d’un simple coup de poing, d’un saut et la possibilité de ramasser des armes, le remake enrichit l’ensemble d’une attaque puissante supplémentaire, d’une choppe, d’une garde, de mises à mort spectaculaires et –surtout- d’innombrables combos. Ces derniers se débloquent au fur et à mesure de votre progression en dépensant le sang accumulé. Bien entendu, ce sang n’est pas le vôtre mais celui de vos ennemis que vous aurez préalablement écrasé/démembré/explosé/ratatiné/découpé (rayez la mention inutile). Car oui, Rick ne fait définitivement pas dans la dentelle. Par ailleurs, plus vous éliminez les serviteurs maléfiques du Dr. West avec classe et efficacité, plus vous obtenez de sang. Malgré la carrure importante du héros, le tout n’en demeure pas moins réactif et assez intuitif, les enchainements de coups sortant à la perfection. Bien que les créatures démoniaques soient parfois nombreuses à l’écran, il est toujours possible de commencer un combo sur l’une d’entre elles, le continuer sur une autre et le terminer sur une tiers. Pour cela, une simple orientation du stick analogique dans la direction choisie suffit. Le fait de ne pas être bloqué sur un ennemi lorsqu’on débute un combo est d’autant plus important que les ennemis sont très agressifs et ne vous laissent guère de répit. Si vous venez d’affronter les gardes léthargiques d’Assassin’s Creed, ça va vous faire bizarre. Sur votre route, vous trouverez également de nombreuses armes telles qu’un hachoir géant, un tuyau de canalisation, une planche cloutée ou encore un fusil à pompe. Détail gore par excellence, il est même possible de se servir des membres arrachés de vos adversaires, ces derniers faisant office d’armes contondantes. Cela va de soi, les créatures rencontrées disposent de routines différentes qu’il vous faudra assimiler afin de leur faire face avec efficacité. D’autant que la mort sera votre pain quotidien, ne serait-ce qu’au niveau de difficulté normal. De plus, qui dit beat them all dit forcément boss. Et ceux de Splatterhouse, en plus d’être aussi énormes qu’effrayants, peuvent se révéler coriaces si on ne prend pas la peine d’agir avec rigueur. Petit bonus très tendance, mais qui n’en demeure pas moins extrêmement jouissif, il faudra souvent les achever avec une mise à mort sous forme de QTE.
Noyé dans une marre de sang
Techniquement, il faut reconnaitre que Splatterhouse accuse un certain retard sur la concurrence. Pas tant sur l’aspect graphique qui, même s’il demeure « sale », est avant tout un parti pris du développeur pour donner cette sensation d’évoluer entre deux mondes : le réel et celui des limbes, le discernement du joueur étant alors constamment remis en question. Ombres fugaces disparaissant aussi vite qu’elles ont apparues, formes organiques tapies dans l’ombre d’une cellule, murs suintants et autres altération des espaces, tel est le menu visuel de ce Splatterhouse. Au final, ce que nous voyons est-il vrai ou pur produit de l’imagination? Les caméras, par contre, sont une vraie plaie. Elles ne sont guère réactives et les orienter correctement devient parfois un sacré casse-tête. On s’y fait, certes, mais tout cela manque clairement de finition. Je tiens également à revenir sur un point que j’ai vu critiqué à maintes reprises dans de nombreux tests parus sur le net, à savoir la profusion de sang et son rendu « ketchup ». A en croire certains, il s’agirait là d’une faute de goût condamnable. C’est à se demander si ces personnes ont déjà joué aux épisodes précédents. Qu’on se le dise, Splatterhouse est un véritable hommage aux films d’horreur des années 80, aux slashers et autres série Z. Oui, c’est too much. Oui, c’est tellement gros que ça en devient drôle. Et alors ? Nous avons affaire non pas à des clichés mal usités, loin de là, mais à l’incarnation même d’un archétype. Dès lors, où est le problème ? On ne pose pas ses mains sur Splatterhouse comme on le ferait avec un jeu de notre ère. Le titre de Namco est un violent relent du passé, venu tout droit d’outre-tombe, qui vous chope aux tripes et vous mets la tronche dans la merde. Preuve en est la gratuité des propos sexistes et salaces tenus par le Masque de Terreur, les photos de Jennifer nue à reconstituer, ou encore les innombrables références disséminées ici et là. Chucky et son couteau, Ash de Evil Dead ou encore le chapeau et le gant de Freddy sont autant de easter eggs que le joueur attentif pourra découvrir s’il se donne la peine d’y prêter attention. Le jeu va même plus loin en s’auto-référençant lors de séquences se jouant en 2D sur un scrolling horizontal, véritable témoignage pour les premiers épisodes de la série.
Tiens, d’ailleurs, en parlant des anciens Splatterhouse… je n’ai pas encore mentionné la cerise sur le gâteau, à savoir la possibilité de déverrouiller les 3 premiers épisodes. Oui, vous avez bien lu ! Là où de nombreux éditeurs auraient profité de la sortie du jeu pour nous balancer les vieux opus sur Xbox Live Arcade et nous faire cracher un max de blé, Namco a joué la carte du fan-service jusqu’au bout, conscient du lien de parenté indéfectible qui lie cette nouvelle version aux moutures 2D de l’époque. C’est d’ailleurs sous cet angle et nul autre qu’il faut aborder ce Splatterhouse. N’y cherchez pas la technique d’un Bayonetta ou d’un Devil May Cry, ce serait hors de propos. Ici tout est chaos, violence gratuite à l’extrême, ambiance macabre, humour gore et métal hurlant. A noter que la musique a été composée par des groupes tels que Lamb Of God, Mastodon, Five Fingers Death Punch et bien d’autres. De quoi vous déboucher les oreilles pour un moment. Bref, ce jeu est sale, mal élevé et il sent mauvais… ça tombe bien, c’est tout ce qu’on lui demande !
Graphismes 7 / 10
Les modèles 3D ne sont pas ce qu'il se fait de mieux mais peu importe, la direction artistique rattrape largement ce manque d'ambition technique. H.P. Lovecraft lui-même aurait adoubé ce jeu.
Jouabilité 7 / 10
Rick répond au doigt et à l'œil, aucun souci à ce niveau-là. Seules les caméras posent problème en étant trop rigides et peu réactives dans leur maniement, ce qui nuit un peu à la lecture de certaines situations.
Son 8 / 10
Des bruitages de circonstance bien implantés : cris, démembrements, chair écrasée, volet battant au vent, etc… tout pour faire le parfait film d'horreur. Ajoutez à cela une musique bourrée de testostérone et le compte y est.
Durée de vie 7 / 10
Le jeu se boucle en une dizaine d'heures en normal. Ce qui est un peu court mais amplement suffisant. Le mode Survie et ses nombreux challenges, ainsi que les 3 premiers épisodes à débloquer viennent toutefois agrémenter le tout.
Fun 9 / 10
Splatterhouse est ultra-jouissif, c'est l'incarnation même du défouloir. On pose son cerveau à l'entrée du manoir et on se laisse aller à la violence la plus primaire sans voir les heures passer…
+
• Le digne héritier de son passé
• Une ambiance et un humour grinçants
• Les 3 premiers Splatterhouse à débloquer
-
• Des caméras parfois gênantes
• Pas assez de boss
• Certains risquent de passer à côté du sujet...
Conclusion
Que ce soit bien clair, Splatterhouse doit avant tout s'apprécier pour ce qu'il est, à savoir un vibrant hommage à un jeu sorti il y a 22 ans. L'incroyable tour de force réalisé par Namco est d'être parvenu à actualiser la licence tout en préservant son essence. Alors si, tout comme moi, vous êtes un old-timer pour qui Splatterhouse a toujours eu une saveur bien particulière, foncez sans hésiter, le jeu répondra à toutes vos attentes. Si, à contrario, vous êtes trop jeune pour avoir eu la chance de connaitre ce monument du jeu vidéo en son temps, deux options s'offrent à vous : soit vous passez votre chemin et courrez vous réfugier dans des pâturages plus verdoyants où la sécurité de la routine est de mise, soit vous faites preuve de curiosité et rejoignez Rick dans une aventure mémorable où votre clairvoyance vous révèlera des richesses insoupçonnées. Alors, mettrez-vous le Masque ? Le choix vous appartient désormais…
NOTE FINALE 7,5/10
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PS : ce test est une version retouchée de celui que j'avais fait à l'époque de la sortie du jeu.