Disons que j'avais apprécié le 1er, sans plus, mais que le 2 semble se passer dans à peu près les mêmes décors. Le plaisir de la découverte n'est donc plus là. Plus encore, je trouve qu'Epic Mickey (la série en général) est un cas d'école pour montrer ce qu'il ne faut pas faire en matière d'univers si l'on veut s'approprier un public. Je m'explique...
Moi, quand je joue à du Disney, j'espère (re)découvrir mes héros d'enfance, l'innocence de mes jeunes années, la naïveté touchante des personnages et/ou histoires contées. Je me plais à imaginer des contrées merveilleuses, des forêts magiques où Mickey aurait la taille proportionnelle d'un insecte, des canyons vertigineux baignant dans les nuages, des virées effrayantes dans des châteaux hantés. Tout cela, les anciens jeux avec Mickey savaient parfaitement le faire : Castle of Illusion, Mickey Mania, et surtout World of Illusion.
Alors l'idée de tordre le cou à cet univers mièvre pour le parer d'atouts gothiques ou cyberpunks est intéressant... mais dans ce cas, on le fait à fond ! Epic Mickey a toujours le cul entre deux chaises, comme s'il ne savait décidément pas vers quelle esthétique se tourner, comme s'il touchait du doigt l'une et l'autre sans jamais les atteindre. Pour offrir un élément de comparaison, American McGee, avec ses jeux reprenant l'univers d'Alice au Pays des Merveilles, a parfaitement compris que, quitte à offrir une nouvelle esthétique, il ne faut pas la mélanger à l'ancienne.
Epic Mickey oscille malheureusement sans cesse entre l'hommage (loupé) à l'univers de Disney et la volonté d'un créateur d'apporter sa touche personnelle, sans doute trop étrangère pour coller à des héros aussi populaires. On voit arriver de terrifiants arachnoïdes mécanisés... puis un Gremlin tout cartoonesque se pointe et fait retomber le soufflé. Trop souvent, de cette manière, avant même de pénétrer dans l'un des univers (celui enfantin de Disney ou celui torturé de Warren Spector), on nous rappelle ainsi à l'ordre : non, vous aurez les deux univers à la fois, mélange homogène ou non !
Je parlais aussi d'hommage loupé. En ce qui me concerne, je suis un gros fan de Disney. Et les différents héros inventés dans les BD et autres comics, aussi passagers soient-ils, je les connais ! Aussi, je suis plutôt surpris de constater que, pour Warren Spector et son équipe, "rendre hommage aux personnages oubliés" ne se résume qu'à caler Horace et Clarabelle par-ci, 30 versions si peu différentes de Dingo par-là, un "Lonesome Ghost" dans un coin, et Monsieur Mouche là où il y a de la place ; il fallait bien piocher, au pif, dans un long métrage !
Mais quid de tous les héros de l'univers des bandes dessinées de Disney ?? Pourquoi ne pas nous (re)faire découvrir le Commisaire Finot, le Fantôme Noir, Iga Biva, Grand Loup et les trois petits cochons, Basile et Boniface (ah ah ! Je suis presque sûr que vous ne les connaissez pas ceux-là !), Jojo et Michou, Clara la poule, Genius... Et j'en passe ! Et en ce qui concerne les méchants, pourquoi se limiter au Savant Fou et à Pat Hibulaire (déjà présents dans le premier volet) quand les bandes dessinées nous en ont tant introduits ? Cela aurait été vraiment merveilleux de parcourir, dans ce 2ème volet, les BD de Mickey et non ses films, territoire déjà bien plus que visité dans le premier épisode ! De parcourir l'île volante du Professeur Mirandus, par exemple. Ou bien de déjouer les plans du fameux "Gang des plombiers" (avis aux connaisseurs).
Warren Spector s'est contenté de rendre hommage aux courts métrages de Disney (cela réduit les choix) ayant Mickey pour héros (cela les réduit encore plus), durant la période des années 30-50 (cela atomise les choix). Résultat ? Un "hommage" à une courte période de l'histoire de Disney, mais certainement pas un hommage à son univers tout entier ! Et le pire : même pas un petit menu bonus que l'on débloquerait au fur et à mesure avec l'historique des personnages, ou bien un joli livret en couleurs dans la boite du jeu. A ce niveau-là, la série Kingdom Hearts atomise Epic Mickey en matière d'hommage, le Journal de Jimini Criquet étant une petite perle pour se remémorer des souvenirs en admirant les personnages sous tous les angles et en apprenant leur provenance. Aaah, les héros de Winnie l'Ourson dans le 1er Kingdom Hearts... Ca, ça oui ! Ca, ça m'avait touché !
En conclusion, pour ma part, Warren Spector a raté son pari de marier 2 univers qui, dès le début, étaient difficilement compatibles. Comme on le dit si bien, à courir deux lièvres à la fois on n'en attrape aucun. Il fallait faire le choix entre le cyberpunk total qui aurait pu donner une esthétique autant aboutie que dans American McGee's Alice, ou le Disney classique et enchanteur qui aurait émerveillé les grands nostalgiques que nous sommes.
Bref, Warren Spector s'est planté.
Et avec tout ça, je n'ai même pas parlé du gameplay qui, s'il avait été un peu original, aurait pu sauver le jeu. Peine perdue : il a plus de 15 ans d'âge. Des jeux comme Banjo & Kazooie, pour n'en citer qu'un paru il y a plus d'une décennie, enfoncent encore plus le clou : Epic Mickey n'aurait même pas résisté à un affrontement face aux mastodontes de la plate-formes de l'époque 32-64bits. Comment pouvait-il, dès lors, espérer survivre de nos jours ?
Le studio à l'origine de la série a fermé ses portes il y a quelques jours. C'est triste, mais hélas compréhensible. Pas assez de ventes, il fallait s'en douter, pour des jeux qui n'avaient décidément rien à offrir... hormis un univers original mais trop peu maitrisé. N'est pas Walt Disney qui veut !