RAMPO est un jeu d'aventure sorti en février 1995 sur Sega Saturn. J'ai souhaité en parler car la démarche liée à sa production et à sa réalisation est assez originale. Le jeu suit en effet la sortie du film de quelques mois. Le réalisateur du film et du jeu sont une seule et même personne : Okuyama Kazuyoshi. Par conséquent, les deux se complètent merveilleusement bien, et le côté "film interactif" du jeu Sega Saturn, principe si souvent décrié, trouve ici une justification presque toute faite.
Présentation de Ranpo, écrivain japonais, en forme de copier/coller Wikipédia : Edogawa Ranpo (江戸川 乱歩), pseudonyme de Tarō Hirai (平井 太郎, Hirai Tarō, 21 octobre 1894 - 28 juillet 1965), est un écrivain et critique japonais. Il a écrit de nombreux romans policiers dont le détective se nomme Kogoro Akechi.
Son pseudonyme provient de la transposition en phonétique japonaise du nom d'Edgar Allan Poe, auteur qu'il admirait énormément (écrite エドガー・アラン・ポー, Edogā Aran Pō).
Ses écrits (dont je suis bien évidemment un grand fan) sont disponibles, en partie, chez Picquier Pocher. La liste est ici.
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PARTIE 1 : RAMPO - le film
RAMPO, aka Ranpo, aka The Mystery of Rampo
らんぽ [奥山バージョン]
Année : 1994
Genre : écrit vain ?
Production : Shochiku / Team Okuyama
Réalisation : Okuyama Kazuyoshi et Mayuzumi Rintaro
Avec : Motoki Masahiro, Takenaka Naoto, Hada Michiko, Kagawa Teruyuki, Hira Mikijiro, Sano Shirô, Kishibe Ittoku...
Le célèbre écrivain japonais Edogawa Ranpo vient de voir le dernier de ses projets refusé par la censure. Passablement usé par ces abus de pouvoir, l’énigmatique artiste décide d’arrêter l’écriture. Un fait divers va alors raviver sa flamme : Ranpo apprend en effet qu’une jeune femme, soupçonnée du meurtre de son mari, vient d’être relaxée. L’homme est mort, asphyxié dans un coffre à trousseau. Exactement de la manière que l’écrivain a précisément décrite dans sa dernière nouvelle, boudée par le censure.
Une nouvelle qu’il n’a donc jamais publiée… qu’il n’a même pas vraiment terminée.
Est-il encore nécessaire de présenter l’écrivain Edogawa Ranpo (grand admirateur d’Edgar Alan Poe, à tel point qu’il en détourna le nom pour créer son pseudonyme)… Célébré aujourd’hui par des fans du monde entier, l’artiste japonais s’est fait une réputation de maître de l’étrange, de l’intrigue policière décalée. Parfois même de l’horreur grotesque. Décédé en 1965, Ranpo n’en continue pas moins de déchainer les passions, et chaque jour de nouveaux amateurs de sensations mystérieuses, intelligentes et sadiques se rangent du côté du célèbre écrivain. Si Ranpo a ainsi connu l’honneur de voir ses histoires portées sur grand écran de son vivant, il convient de noter que son décès n’a en rien entamé l’appétit des producteurs et cinéphiles de tout poil en mal d’expériences étranges, et les projets estampillés "Edogawa Ranpo" continuent d’inonder les médias japonais.
Les nouveaux films (ou téléfilms) tirés de ses nouvelles sortent en effet régulièrement, avec plus ou moins de succès car, il faut bien l’avouer, les adaptations des œuvres de Ranpo n’ont presque jamais été du niveau de ses récits. On peut néanmoins citer LA BÊTE AVEUGLE, de Masumura, ainsi que LE LÉZARD NOIR de Fukasaku, comme deux des plus beaux hommages cinématographiques rendus à l’écrivain. Hélas RAMPO n’est pas de ceux-là. Certes le film est intéressant, mais il a bien du mal à jouer dans la cour des grands. D’ailleurs il faut aussi savoir que RAMPO est un premier film : en effet, si son réalisateur Okuyama Kazuyoshi est un personnage réputé du cinéma japonais, c’est avant tout autre chose parce qu’il est un producteur de talent. Il a ainsi participé à des films comme VIOLENT COP, SONATINE, L’ANGUILLE ou encore GOODBYE SOUTH GOODBYE. Sa volonté de passer derrière la caméra pour filmer ce qu’il ne voyait auparavant que de loin, trahit sans doute un excès de confiance certain en ses capacités. Sans être catastrophique en effet, la réalisation demeure bien anonyme…
Mêlant rêve, fantasme, cruelle réalité et fantastique à peine suggéré, le film RAMPO a pourtant un certain nombre de qualités, et la première est bien entendu l’originalité : ce long métrage en forme de clin d’œil permanent aux œuvres de l’écrivain vaut en effet le détour pour son histoire à plusieurs niveaux. Sur un premier plan nous avons Ranpo lui-même (incarné par Takenaka Naoto), on nous présente sa vie un peu morne, ses problèmes (satanée censure), sa passion pour l’écriture. Parallèlement à cela on nous expose également la première partie d’une nouvelle de l’écrivain sous forme d’anime. Original donc, puisque le film date de 1994 et que ses réalisateurs n’ont pas attendu Tarantino pour intercaler du pur dessin animé dans un film live. Relativement court, cet aparté dessiné est d’une très grande élégance, un brin rétro, et sert particulièrement le récit. Enfin, RAMPO propose un troisième niveau de lecture puisque le héros mythique de l’écrivain, Akechi Kogorô (Motoki Masahiro assez crédible), va prendre vie et nous allons connaitre le privilège de le suivre dans l’une de ses trépidantes aventures. Sans aucun doute l’un des meilleurs moments du film, cet épisode mystérieux où l’aventureux Akechi ira se jeter dans la gueule du loup pour résoudre une énigme épineuse (en déjouant bien évidemment quelques étrangetés au passage) est presque digne d’une nouvelle du grand Edogawa Ranpo. On y retrouve en effet un peu de ce qui fait toutes les particularités des écrits de l’auteur japonais : désir, complot et cruauté, le tout présenté sous la forme de multiples délires obsessionnels.
Perdant quelque peu pied avec la réalité, Edogawa Ranpo est donc ici directement mis en scène. Un procédé à peine surprenant pour qui connait bien l’écrivain, puisque ce dernier avait déjà utilisé ce subterfuge en s’intronisant personnage principal de l’une de ses nouvelles (LA PROIE ET L’OMBRE), où l’on voyait donc Ranpo tenter d’élucider un meurtre commis par un homme qui était, lui aussi, un auteur de littérature policière. S’engageait alors un subtil jeu de miroirs et de faux-semblants, que le film RAMPO tente bien péniblement d’imposer. Car en effet, le film qui nous intéresse est relativement décevant. Cette histoire d’homme qui retrouve le goût de l’écriture le jour où il se décide à vivre pleinement ses rêves et fantasmes, avait pourtant tout pour plaire. Mais Okuyama Kazuyoshi ne parvient que très rarement à imposer une ambiance lourde, ou onirique. Aux frontières du fantastique.
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PARTIE 2 : RAMPO - le jeu
RAMPO
Année : 1995
Studio : Sega
Éditeur : Sega
Genre : détective privé – de mouvements ?
Machine : Sega Saturn (japonais only)
Début du XXe siècle, Japon.
Vous êtes Edogawa Ranpo. Écrivain à succès et chantre de l’étrange, vous êtes aussi le propriétaire d’une petite pension aux locataires hauts en couleur. En cette matinée routinière, vous vous apprêtez à recueillir le loyer du mois en cours auprès de vos pensionnaires. Mais vous ne vous attendiez sûrement pas à trouver un cadavre dans le coffre d’une chambre inoccupée.
Lorsque vous parviendrez à résoudre cet épineux mystère, sachez que vous serez invité dans un lointain manoir, à la campagne. Afin de lever le voile sur une famille et ses secrets inavouables.
Edogawa Ranpo… Vous connaissez déjà certainement cet écrivain japonais, décédé en 1965 et dont la popularité ne s’est jamais démentie. Aujourd’hui encore, les adaptations sur grand ou petit écran continuent de fleurir, au Japon, à l’heure où tant d’autres vieux manuscrits finissent hélas par faner. Adepte du roman policier, mélangeant les genres pour mieux les subvertir, Edogawa Ranpo s’était fait une spécialité du mystère grotesque et parfois fantastique, plongeant indiciblement dans un érotisme teinté d’horreur. Un certain nombre de ses écrits ont été publiés en France chez Picquier Poche.
Un film dédié au personnage de Edogawa Ranpo est sorti en 1994, sobrement intitulé RAMPO. Il mettait en scène l’écrivain lui-même (interprété par Takenaka Naoto) et proposait une mise en abyme de l’auteur face à ses créations – procédé déjà maintes fois utilisé par Edogawa Ranpo dans ses écrits. Pour accompagner la venue du film, un jeu est sorti quelques mois plus tard sur Sega Saturn. Il s’agit d’un jeu full-motion video (FMV), ou "film interactif". On y incarne Ranpo en vue à la première personne – incarné comme dans le film par l’acteur Takenaka Naoto. Pour compléter le casting, on a droit à quelques acteurs et actrices plus ou moins connus, notamment le fabuleux Kagawa Teruyuki (dans le rôle d’un détective – mais pas du célèbre Akechi Kogorô), ou encore la jolie Watanabe Noriko.
Enfin bref. RAMPO alors, comment ça se joue ? Bah… en regardant un film, pardi. Plus sérieusement, le gameplay est minimaliste – par définition dans un film interactif. Toutes les images proviennent ainsi de séquences filmées, les décors fixes ont été digitalisés et la liberté de mouvement est aussi relative que l’honnêteté de certains chroniqueurs de la presse vidéoludique française. En gros vous pouvez vous déplacer, certes, mais uniquement là où la caméra a prévu de vous suivre – car tout est préalablement filmé. En gros même si vous cliquez sur la droite de votre croix directionnelle, s’il n’est pas prévu que vous puissiez aller à droite la caméra continuera de tourner pour vous proposer d’aller… dans une autre direction. Idem avec les objets : vous ne pourrez pas interagir avec tout ce qui sera présent à l’écran. Pire : vous ne pourrez même pas zoomer sur un objet à moins que celui-ci n’ait un semblant d’importance dans l’évolution du récit. Oui, dans RAMPO le joueur est placé sur des rails, et il est impossible d’en sortir puisque le jeu en question n’est en réalité qu’un bon gros script géant.
Le script, dans le jeu vidéo moderne, est un véritable tue-l’amour vidéoludique, du niveau de la grosse paire de chaussettes que votre partenaire porte jusque dans le lit, l’hiver. Qu’il s’agisse de jeux d’action comme les CALL OF DUTY ou du sixième triste sire de la saga RESIDENT EVIL, les scripts nous font généralement basculer dans l’artificialité absolue, dans le grotesque incongru. Ces jeux modernes qui en font des tonnes pour paraître réalistes, sombrent dans les limbes vidéoludiques dès lors qu’ils abusent des ficelles du script. Le joueur réalise alors que ce n’est pas lui qui tient la manette, mais que c’est le jeu qui se joue de lui.
Ce qui ne fonctionne pas pour moi dans les jeux précités, devient pourtant subitement agréable dans ces titres baptisés « films interactifs ». Je parle de ces jeux qui ne font pas semblant d’être ce qu’ils ne sont pas – réels. Oui, un soft comme RAMPO joue la carte du jeu filmé sans complexe : dès lors le joueur ne perd jamais l’équilibre puisqu’il sait qu’il a mis les pieds dans la pleine artificialité suspendue dans le temps : le puzzle de scripts géant. Puzzle, oui, car il faut à chaque fois trouver le « truc » à faire pour déclencher le script suivant, et c’est parfois complètement surréaliste – par exemple comment deviner qu’il faut regarder un tableau dans le hall d’entrée pour que la femme de chambre vienne enfin nous parler ? Mais on s’en accommode car, encore une fois, on demeure parfaitement conscient de ce à quoi on joue : une chasse aux scripts entrecoupée de dialogues filmés et de petits mystères à résoudre (le message codé et l’étrange statue de la seconde histoire, par exemple), le tout mis en scène dans des décors à l’atmosphère rétro qui ont la bonne idée de se renouveler une fois arrivé à la moitié du récit. Le premier CD-ROM est ainsi dédié à la pension, le deuxième au vieux manoir déjà vu dans le film de 1994.
Après libre à vous d’accrocher, ou pas. Ce style de jeu a d’ailleurs tellement mal vieilli qu’il a quasiment disparu. Pour ma part j’ai pourtant pris un plaisir bien réel, avec RAMPO. Il est vrai que je suis passionné par l’écrivain depuis longtemps mais ce n’est pas la seule raison. En plus d’être un jeu full-motion video, RAMPO propose ainsi un jeu de miroirs plus ou moins déformants avec le film éponyme (le cadavre dans le coffre, le grand manoir isolé...) d’autant plus habile qu’il s’agit du même réalisateur pour les deux médias (Okuyama Kazuyoshi). De plus, certains dialogues sont vraiment interactifs, ce qui ajoute un peu de piment à l’ensemble. Par exemple il vous faudra parfois poser la même question plusieurs fois à un personnage avant que celui-ci ne se décide à vous dire enfin la vérité – ou pas. Dans le même genre, sachez que vous pouvez parfois répondre « oui » ou « non » à des réflexions des PNJ. Votre réponse n’aura souvent que peu d’incidences, mais à plusieurs reprises elle influera directement sur le dénouement de l’aventure, qui propose cinq fins un peu différentes et un classement final noté de 1 (médiocre) à 5 (parfait). Pour ma part, je suis parvenu à un score de 3 la première fois, avant de me voir attribuer un 4 (ce qui a d’ailleurs eu pour conséquence de prolonger mon aventure d’une journée). J’ai donc échoué dans l’obtention du score parfait – mais je crois savoir pourquoi : je pense avoir été trop « tendre » avec le/la coupable de la première histoire. Dernier détail amusant : un petit écran rouge en plastique est inclus dans la boîte du jeu. Il doit vous permettre de décoder certains messages cachés dans la notice. Sympa comme tout… hélas le concept n’est pas poussé et ne sert finalement pas à grand-chose. Dommage : j’y avais presque cru, à la réalité augmentée en 1995 !
Vidéo :
Présentation de Ranpo, écrivain japonais, en forme de copier/coller Wikipédia : Edogawa Ranpo (江戸川 乱歩), pseudonyme de Tarō Hirai (平井 太郎, Hirai Tarō, 21 octobre 1894 - 28 juillet 1965), est un écrivain et critique japonais. Il a écrit de nombreux romans policiers dont le détective se nomme Kogoro Akechi.
Son pseudonyme provient de la transposition en phonétique japonaise du nom d'Edgar Allan Poe, auteur qu'il admirait énormément (écrite エドガー・アラン・ポー, Edogā Aran Pō).
Ses écrits (dont je suis bien évidemment un grand fan) sont disponibles, en partie, chez Picquier Pocher. La liste est ici.
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PARTIE 1 : RAMPO - le film
RAMPO, aka Ranpo, aka The Mystery of Rampo
らんぽ [奥山バージョン]
Année : 1994
Genre : écrit vain ?
Production : Shochiku / Team Okuyama
Réalisation : Okuyama Kazuyoshi et Mayuzumi Rintaro
Avec : Motoki Masahiro, Takenaka Naoto, Hada Michiko, Kagawa Teruyuki, Hira Mikijiro, Sano Shirô, Kishibe Ittoku...
Le célèbre écrivain japonais Edogawa Ranpo vient de voir le dernier de ses projets refusé par la censure. Passablement usé par ces abus de pouvoir, l’énigmatique artiste décide d’arrêter l’écriture. Un fait divers va alors raviver sa flamme : Ranpo apprend en effet qu’une jeune femme, soupçonnée du meurtre de son mari, vient d’être relaxée. L’homme est mort, asphyxié dans un coffre à trousseau. Exactement de la manière que l’écrivain a précisément décrite dans sa dernière nouvelle, boudée par le censure.
Une nouvelle qu’il n’a donc jamais publiée… qu’il n’a même pas vraiment terminée.
Est-il encore nécessaire de présenter l’écrivain Edogawa Ranpo (grand admirateur d’Edgar Alan Poe, à tel point qu’il en détourna le nom pour créer son pseudonyme)… Célébré aujourd’hui par des fans du monde entier, l’artiste japonais s’est fait une réputation de maître de l’étrange, de l’intrigue policière décalée. Parfois même de l’horreur grotesque. Décédé en 1965, Ranpo n’en continue pas moins de déchainer les passions, et chaque jour de nouveaux amateurs de sensations mystérieuses, intelligentes et sadiques se rangent du côté du célèbre écrivain. Si Ranpo a ainsi connu l’honneur de voir ses histoires portées sur grand écran de son vivant, il convient de noter que son décès n’a en rien entamé l’appétit des producteurs et cinéphiles de tout poil en mal d’expériences étranges, et les projets estampillés "Edogawa Ranpo" continuent d’inonder les médias japonais.
Les nouveaux films (ou téléfilms) tirés de ses nouvelles sortent en effet régulièrement, avec plus ou moins de succès car, il faut bien l’avouer, les adaptations des œuvres de Ranpo n’ont presque jamais été du niveau de ses récits. On peut néanmoins citer LA BÊTE AVEUGLE, de Masumura, ainsi que LE LÉZARD NOIR de Fukasaku, comme deux des plus beaux hommages cinématographiques rendus à l’écrivain. Hélas RAMPO n’est pas de ceux-là. Certes le film est intéressant, mais il a bien du mal à jouer dans la cour des grands. D’ailleurs il faut aussi savoir que RAMPO est un premier film : en effet, si son réalisateur Okuyama Kazuyoshi est un personnage réputé du cinéma japonais, c’est avant tout autre chose parce qu’il est un producteur de talent. Il a ainsi participé à des films comme VIOLENT COP, SONATINE, L’ANGUILLE ou encore GOODBYE SOUTH GOODBYE. Sa volonté de passer derrière la caméra pour filmer ce qu’il ne voyait auparavant que de loin, trahit sans doute un excès de confiance certain en ses capacités. Sans être catastrophique en effet, la réalisation demeure bien anonyme…
Mêlant rêve, fantasme, cruelle réalité et fantastique à peine suggéré, le film RAMPO a pourtant un certain nombre de qualités, et la première est bien entendu l’originalité : ce long métrage en forme de clin d’œil permanent aux œuvres de l’écrivain vaut en effet le détour pour son histoire à plusieurs niveaux. Sur un premier plan nous avons Ranpo lui-même (incarné par Takenaka Naoto), on nous présente sa vie un peu morne, ses problèmes (satanée censure), sa passion pour l’écriture. Parallèlement à cela on nous expose également la première partie d’une nouvelle de l’écrivain sous forme d’anime. Original donc, puisque le film date de 1994 et que ses réalisateurs n’ont pas attendu Tarantino pour intercaler du pur dessin animé dans un film live. Relativement court, cet aparté dessiné est d’une très grande élégance, un brin rétro, et sert particulièrement le récit. Enfin, RAMPO propose un troisième niveau de lecture puisque le héros mythique de l’écrivain, Akechi Kogorô (Motoki Masahiro assez crédible), va prendre vie et nous allons connaitre le privilège de le suivre dans l’une de ses trépidantes aventures. Sans aucun doute l’un des meilleurs moments du film, cet épisode mystérieux où l’aventureux Akechi ira se jeter dans la gueule du loup pour résoudre une énigme épineuse (en déjouant bien évidemment quelques étrangetés au passage) est presque digne d’une nouvelle du grand Edogawa Ranpo. On y retrouve en effet un peu de ce qui fait toutes les particularités des écrits de l’auteur japonais : désir, complot et cruauté, le tout présenté sous la forme de multiples délires obsessionnels.
Perdant quelque peu pied avec la réalité, Edogawa Ranpo est donc ici directement mis en scène. Un procédé à peine surprenant pour qui connait bien l’écrivain, puisque ce dernier avait déjà utilisé ce subterfuge en s’intronisant personnage principal de l’une de ses nouvelles (LA PROIE ET L’OMBRE), où l’on voyait donc Ranpo tenter d’élucider un meurtre commis par un homme qui était, lui aussi, un auteur de littérature policière. S’engageait alors un subtil jeu de miroirs et de faux-semblants, que le film RAMPO tente bien péniblement d’imposer. Car en effet, le film qui nous intéresse est relativement décevant. Cette histoire d’homme qui retrouve le goût de l’écriture le jour où il se décide à vivre pleinement ses rêves et fantasmes, avait pourtant tout pour plaire. Mais Okuyama Kazuyoshi ne parvient que très rarement à imposer une ambiance lourde, ou onirique. Aux frontières du fantastique.
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PARTIE 2 : RAMPO - le jeu
RAMPO
Année : 1995
Studio : Sega
Éditeur : Sega
Genre : détective privé – de mouvements ?
Machine : Sega Saturn (japonais only)
Début du XXe siècle, Japon.
Vous êtes Edogawa Ranpo. Écrivain à succès et chantre de l’étrange, vous êtes aussi le propriétaire d’une petite pension aux locataires hauts en couleur. En cette matinée routinière, vous vous apprêtez à recueillir le loyer du mois en cours auprès de vos pensionnaires. Mais vous ne vous attendiez sûrement pas à trouver un cadavre dans le coffre d’une chambre inoccupée.
Lorsque vous parviendrez à résoudre cet épineux mystère, sachez que vous serez invité dans un lointain manoir, à la campagne. Afin de lever le voile sur une famille et ses secrets inavouables.
Edogawa Ranpo… Vous connaissez déjà certainement cet écrivain japonais, décédé en 1965 et dont la popularité ne s’est jamais démentie. Aujourd’hui encore, les adaptations sur grand ou petit écran continuent de fleurir, au Japon, à l’heure où tant d’autres vieux manuscrits finissent hélas par faner. Adepte du roman policier, mélangeant les genres pour mieux les subvertir, Edogawa Ranpo s’était fait une spécialité du mystère grotesque et parfois fantastique, plongeant indiciblement dans un érotisme teinté d’horreur. Un certain nombre de ses écrits ont été publiés en France chez Picquier Poche.
Un film dédié au personnage de Edogawa Ranpo est sorti en 1994, sobrement intitulé RAMPO. Il mettait en scène l’écrivain lui-même (interprété par Takenaka Naoto) et proposait une mise en abyme de l’auteur face à ses créations – procédé déjà maintes fois utilisé par Edogawa Ranpo dans ses écrits. Pour accompagner la venue du film, un jeu est sorti quelques mois plus tard sur Sega Saturn. Il s’agit d’un jeu full-motion video (FMV), ou "film interactif". On y incarne Ranpo en vue à la première personne – incarné comme dans le film par l’acteur Takenaka Naoto. Pour compléter le casting, on a droit à quelques acteurs et actrices plus ou moins connus, notamment le fabuleux Kagawa Teruyuki (dans le rôle d’un détective – mais pas du célèbre Akechi Kogorô), ou encore la jolie Watanabe Noriko.
Enfin bref. RAMPO alors, comment ça se joue ? Bah… en regardant un film, pardi. Plus sérieusement, le gameplay est minimaliste – par définition dans un film interactif. Toutes les images proviennent ainsi de séquences filmées, les décors fixes ont été digitalisés et la liberté de mouvement est aussi relative que l’honnêteté de certains chroniqueurs de la presse vidéoludique française. En gros vous pouvez vous déplacer, certes, mais uniquement là où la caméra a prévu de vous suivre – car tout est préalablement filmé. En gros même si vous cliquez sur la droite de votre croix directionnelle, s’il n’est pas prévu que vous puissiez aller à droite la caméra continuera de tourner pour vous proposer d’aller… dans une autre direction. Idem avec les objets : vous ne pourrez pas interagir avec tout ce qui sera présent à l’écran. Pire : vous ne pourrez même pas zoomer sur un objet à moins que celui-ci n’ait un semblant d’importance dans l’évolution du récit. Oui, dans RAMPO le joueur est placé sur des rails, et il est impossible d’en sortir puisque le jeu en question n’est en réalité qu’un bon gros script géant.
Le script, dans le jeu vidéo moderne, est un véritable tue-l’amour vidéoludique, du niveau de la grosse paire de chaussettes que votre partenaire porte jusque dans le lit, l’hiver. Qu’il s’agisse de jeux d’action comme les CALL OF DUTY ou du sixième triste sire de la saga RESIDENT EVIL, les scripts nous font généralement basculer dans l’artificialité absolue, dans le grotesque incongru. Ces jeux modernes qui en font des tonnes pour paraître réalistes, sombrent dans les limbes vidéoludiques dès lors qu’ils abusent des ficelles du script. Le joueur réalise alors que ce n’est pas lui qui tient la manette, mais que c’est le jeu qui se joue de lui.
Ce qui ne fonctionne pas pour moi dans les jeux précités, devient pourtant subitement agréable dans ces titres baptisés « films interactifs ». Je parle de ces jeux qui ne font pas semblant d’être ce qu’ils ne sont pas – réels. Oui, un soft comme RAMPO joue la carte du jeu filmé sans complexe : dès lors le joueur ne perd jamais l’équilibre puisqu’il sait qu’il a mis les pieds dans la pleine artificialité suspendue dans le temps : le puzzle de scripts géant. Puzzle, oui, car il faut à chaque fois trouver le « truc » à faire pour déclencher le script suivant, et c’est parfois complètement surréaliste – par exemple comment deviner qu’il faut regarder un tableau dans le hall d’entrée pour que la femme de chambre vienne enfin nous parler ? Mais on s’en accommode car, encore une fois, on demeure parfaitement conscient de ce à quoi on joue : une chasse aux scripts entrecoupée de dialogues filmés et de petits mystères à résoudre (le message codé et l’étrange statue de la seconde histoire, par exemple), le tout mis en scène dans des décors à l’atmosphère rétro qui ont la bonne idée de se renouveler une fois arrivé à la moitié du récit. Le premier CD-ROM est ainsi dédié à la pension, le deuxième au vieux manoir déjà vu dans le film de 1994.
Après libre à vous d’accrocher, ou pas. Ce style de jeu a d’ailleurs tellement mal vieilli qu’il a quasiment disparu. Pour ma part j’ai pourtant pris un plaisir bien réel, avec RAMPO. Il est vrai que je suis passionné par l’écrivain depuis longtemps mais ce n’est pas la seule raison. En plus d’être un jeu full-motion video, RAMPO propose ainsi un jeu de miroirs plus ou moins déformants avec le film éponyme (le cadavre dans le coffre, le grand manoir isolé...) d’autant plus habile qu’il s’agit du même réalisateur pour les deux médias (Okuyama Kazuyoshi). De plus, certains dialogues sont vraiment interactifs, ce qui ajoute un peu de piment à l’ensemble. Par exemple il vous faudra parfois poser la même question plusieurs fois à un personnage avant que celui-ci ne se décide à vous dire enfin la vérité – ou pas. Dans le même genre, sachez que vous pouvez parfois répondre « oui » ou « non » à des réflexions des PNJ. Votre réponse n’aura souvent que peu d’incidences, mais à plusieurs reprises elle influera directement sur le dénouement de l’aventure, qui propose cinq fins un peu différentes et un classement final noté de 1 (médiocre) à 5 (parfait). Pour ma part, je suis parvenu à un score de 3 la première fois, avant de me voir attribuer un 4 (ce qui a d’ailleurs eu pour conséquence de prolonger mon aventure d’une journée). J’ai donc échoué dans l’obtention du score parfait – mais je crois savoir pourquoi : je pense avoir été trop « tendre » avec le/la coupable de la première histoire. Dernier détail amusant : un petit écran rouge en plastique est inclus dans la boîte du jeu. Il doit vous permettre de décoder certains messages cachés dans la notice. Sympa comme tout… hélas le concept n’est pas poussé et ne sert finalement pas à grand-chose. Dommage : j’y avais presque cru, à la réalité augmentée en 1995 !
Vidéo :